Balat inhoudstafel Dictionnaire des peintres belges

Biographie d'artiste


VAN DER WEYDEN, Rogier

Tournai, 1399/1400 - Bruxelles, 1464
Peintre de compositions religieuses, profanes et de portraits. Rogier de le Pasture, qui sera connu à Bruxelles sous le nom de Rogier van der Weyden, est né en 1399 ou en 1400 du mariage de Henry de le Pasture avec Agnès de Watrelos. La famille était établie à Tournai où le père exerçait le métier de coutelier. En 1426, Rogier épousa une Bruxelloise, Elisabeth, fille de Jan Goffaert et de Cathelyne van Stockem. De leur union naquirent trois fils et une fille. Cornelius, qui allait devenir chartreux, vit le jour en 1427 et Margaretha en 1432. Avant le 21 octobre 1435 certainement, la famille vint à Bruxelles où naquirent les deux autres fils : Pieter en 1437 et, l'année suivante, Jan. Tous deux embrassèrent une profession artistique : Pieter, la peinture, Jan, l'orfèvrerie. La date de l'installation à Bruxelles - le 21 octobre 1435 au plus tard - est avérée par le fait que Rogier y acquit des rentes viagères émises par sa ville natale. A partir du 2 mars 1436, Van der Weyden occupa la fonction de peintre de la ville de Bruxelles. Diverses mentions de l'artiste dans les archives de la ville et autres permettent d'esquisser une image assez claire de son activité. Il est à noter toutefois qu'on ne retrouve dans les archives aucune mention concernant directement l'œuvre actuellement conservée. C'est donc sur la base d'autres critères qu'on la reconstitue. Les années de formation du peintre posent un autre problème. Le début de la carrière artistique de Rogier van der Weyden baigne dans l'ombre et les archives tournaisiennes concernant ce sujet donnent lieu à des interprétations rien moins que certaines. Nous savons que le magistrat de la ville offrit un vin d'honneur à un Maistre Rogier de la Pasture le 17 mars 1426. Cependant, le 5 mars de l'année suivante, un Rogelet de le Pasture entrait en apprentissage chez le peintre R. Campin, en compagnie de J. Daret. Cinq ans plus tard, le 1er août 1432, Rogier de le Pasture obtenait la maîtrise en qualité de peintre. S'agissait-il d'une seule et même personne ? Peut-être bien. Il n'est absolument pas exclu que, le 17 mars 1426, avant même d'avoir entrepris sa formation de peintre, Rogier fût déjà en possession d'un autre titre de maîtrise. La profondeur de contenu de son œuvre plaiderait d'ailleurs en faveur de cette hypothèse. Le texte de 1427 où il est question de "Rogelet commençant son apprentissage chez Campin" fait également problème. En effet, à l'époque, Rogier âgé de quelque 27 ans était marié et la question se pose de savoir si l'on peut inférer l'âge d'une personne d'un diminutif. Nous ne savons pas davantage ce dont était précisément faite la formation de Rogelet chez Campin. Son mariage constituait-il vraiment un obstacle sérieux à un enseignement de cette sorte ? Etait-il occupé à temps plein à l'atelier ou pouvait-il encore exercer une autre profession parallèlement ? Ce qui pourrait expliquer l'absence de Rogier lors de la vente de la maison de son père le 18 mars 1427 : il aurait provisoirement quitté la ville pour des raisons professionnelles. Il se pourrait évidemment aussi qu'il n'ait pas eu droit à l'héritage. Le problème des années d'apprentissage peut aussi tenir à l'usage de termes dont nous ne connaissons pas précisément le contenu véritable. On admet en tout cas que Rogier a été formé à Tournai. La parenté de ses premières œuvres avec l'œuvre de son condisciple Jacques Daret et avec celle surtout de son maître Robert Campin (alias Maître de Flémalle) lui-même constitue un argument important. De plus, il y avait des liens de famille entre Rogier et Campin dont la sœur était sa belle-mère. A ce propos, on peut relever que l'apprentissage de Rogier prend cours un an après son mariage avec la nièce de son maître. L'apprentissage de Rogier à Tournai peut aussi expliquer le fait que la gilde de Saint-Luc de cette ville a fait célébrer une messe des morts l'année de son décès. Une fois fixé à Bruxelles et engagé en qualité de peintre de la ville, R. van der Weyden joua un rôle important dans la vie artistique des Pays-Bas bourguignons et il s'intégra rapidement au patriciat aisé de la ville. Des documents ont révélé qu'il a polychromé un relief de pierre (retable d'autel ?) de Jan van Evere en 1439/1440 sur ordre de Philippe le Bon et l'a pourvu de volets peints et qu'en 1458 il peignit également de riches couleurs le tombeau de Johanna et Willem van Brabant en l'église des carmélites à Bruxelles. Il a reçu 1000 couronnes pour ce dernier travail. En 1461/1462, il fut le conseiller de Pierre Coustain pour la peinture de statues du palais ducal sur le Coudenberg. On lui commanda aussi la réalisation d'une ébauche que le magistrat de Tournai paya en octobre ou en novembre 1436, la peinture d'un dragon pour la procession de Sainte-Gertrude à Nivelles en mai 1441 et l'exécution d'un triptyque pour Johannes Robert, abbé de l'abbaye Saint-Aubert à Cambrai. Ce triptyque, commandé en 1455, fut livré en 1459. Peu après son voyage à Rome en l'année sainte 1450, le peintre reçut à Bruges 20 ducats d'or de la part de Lionelle d'Este, probablement pour un travail livré. Entre 1461 et 1463, le peintre italien Z. Bugatto aurait été en apprentissage chez Rogier à Bruxelles. Selon ces sources, on peut se représenter le peintre comme un patricien aisé. Outre les rentes viagères tournaisiennes acquises à Bruxelles le 31 octobre 1435, il acheta des rentes viagères doubles en 1436/1437 et, le 15 mars 1442, de nouvelles rentes de Tournai. En 1459, Rogier est payé à Bruxelles pour les rentes tournaisiennes achetées en 1435 et en 1442. Ce ne sont pas ces rentes seulement ni la commande de cette ébauche qui attestent que Rogier continuait d'entretenir des liens avec sa ville natale mais aussi le fait que, le 2 avril 1441, il ait agi en qualité de tuteur et de curateur pour sa nièce tournaisienne Hennette Coudiauwe et que, le 9 août de la même année, il ait donné procuration à Loys du Castillon pour le représenter comme tuteur de la nièce en question. Ensuite, Van der Weyden est encore cité en 1449 comme propriétaire d'un bien sis derrière le Cantersteen, en 1455/1457, en qualité d'administrateur des biens du béguinage de Bruxelles et, en 1462, en tant que membre de la Confrérie de la Sainte Croix à Saint-Jacques-sur-Coudenberg. On sait encore que son fils aîné, Cornelius, fut étudiant à la faculté des arts de Louvain entre 1445 et 1448 et qu'ensuite, en 1449, il entra à la chartreuse d'Hérinnes. Rogier lui-même avança de l'argent, en 1462, à la chartreuse de Scheut et offrit des peintures à ce couvent. L'artiste est décédé le 18 juin 1464. L'ensemble de ces données autorise à tenir R. van der Weyden pour un peintre aisé et célèbre. En 1456, il est célébré et compté parmi les hommes illustres dans le "De Viris illustribus" de Bartolomeo Fazio, secrétaire du roi d'Aragon. Fazio décrit aussi plusieurs œuvres de Rogier conservées à l'époque dans différentes villes d'Italie. En 1453, le cardinal Nicolas de Cusa nomme Rogier "maximus pictor". L'étude de son œuvre atteste qu'il a fourni des travaux à divers commanditaires importants. Peintre officiel de la ville, il travaillait pour Bruxelles; il recevait en outre de nombreuses commandes pour la cour de Bourgogne; il travaillait pour des particuliers, courtisans et riches bourgeois mais aussi pour des gildes et des couvents. Les œuvres qu'on lui attribue actuellement ne sont pas documentées par des témoignages contemporains. On connaît cependant quelques documents du XVIe siècle sur lesquels se fonde le catalogue de son œuvre. Les inventaires de succession de Marguerite d'Autriche dressés en 1516 et en 1524 mentionnent et lui attribuent une "Pietà", une "Trinité", un "Portrait de Charles le Téméraire" et une représentation de la "Croix avec saint Grégoire". Des données externes permettent de dater assez précisément deux œuvres importantes qu'on attribue à Van der Weyden sur la base de considérations stylistiques. Ces œuvres permettent aussi d'établir une chronologie relative. "Le Jugement dernier" de l'Hôtel-Dieu à Beaune doit être situé entre 1443, année de la fondation officielle de l'hôpital et le 31 décembre 1445, date de la consécration de la chapelle. Le "Triptyque Braque" (Paris, Louvre) est la seconde peinture qui contribue à établir la chronologie. On le date d'entre 1450 et 1452, peu après le séjour du peintre à Rome, sur la base de la biographie des donateurs. A l'aide de ces deux œuvres, on peut définir, d'un point de vue stylistique, la période médiane (vers 1436-1450), dite sévère, d'une part et, d'autre part, la période postérieure au voyage à Rome. L'analyse stylistique définit une première période dans laquelle Rogier synthétise les influences de Campin et de Van Eyck. Au cours de la période médiane, sévère, Rogier épanouit complètement son métier et cela en corrélation avec un rigoureux approfondissement spirituel. Une dernière période est marquée par une certaine douceur qu'on attribue généralement au voyage en Italie et à l'influence que l'art italien a exercée sur Rogier. Cette période qui achève son œuvre est aussi qualifiée de période lyrique. Une analyse dendrochronologique récente des panneaux a contribué à une datation de l'œuvre plus précise encore qui confirme dans une large mesure et affine les conclusions de l'analyse stylistique. Les peintures de la période des débuts (vers 1430-1436) montrent que Rogier pouvait faire usage de modèles de Robert Campin et aussi qu'il connaissait parfaitement l'œuvre de Jan van Eyck. Certains aspects tels que le rendu de la lumière et des matières évoquent Van Eyck tandis que les types de figures sont redevables à Campin. On ne peut déterminer avec certitude ni où ni quand une rencontre éventuelle entre Van der Weyden et Van Eyck aurait pu avoir lieu. Remarquons que ce dernier s'est trouvé à Tournai à deux reprises. Il y était l'hôte du magistrat le 18 octobre 1427 et on le retrouve dans la ville le 23 mars 1428. Certains historiens se demandent également si Rogier a séjourné à Bruges avant d'entrer en apprentissage chez Campin ou pendant la période au cours de laquelle la maison de son père fut vendue, soit vers le 18 mars 1427. Rogier pourrait aussi avoir travaillé à Bruges au cours des années qui séparent l'obtention de la maîtrise à Tournai et sa période bruxelloise (à partir de 1435) pour laquelle nous avons des documents. Au cours de cette période, les deux artistes peuvent aussi s'être rencontrés à Bruxelles. Pendant l'hiver 1432-1433, Van Eyck y a travaillé à des peintures murales au palais ducal. Il ne faut pas non plus perdre de vue qu'ils peignaient tous deux pour Philippe le Bon, ce qui a peut-être donné à Rogier un accès aisé à l'œuvre de Van Eyck. A cette période appartiennent : "La Vierge trônant" (Lugano, coll. Thyssen-Bornemisza), "Saint Georges et le dragon" (Washington, Nat. Gall.), "La Vierge debout tenant l'Enfant" et "Sainte Catherine" (toutes deux à Vienne, Kunsthist. Mus.), "La Visitation" (Leipzig, Mus. der bildenden Künste), "L'Annonciation" (Paris, Louvre), "Saint Luc dessinant la Vierge" (Boston, Mus. of Fine Arts; répliques à Saint-Pétersbourg (Ermitage), Munich, (A. Pin.) et Bruges (Groeningemus.) et "Le retable de la Vierge" offert en 1445 par le roi de Castille et de Leon, Juan II, à la chartreuse de Miraflores près de Burgos (Berlin, Staatl. Mus.). Après son installation officielle comme peintre de la ville en 1436, commence pour Rogier une nouvelle période de son évolution artistique. Alors, il réduit les thèmes à l'essentiel et, par la rigueur de la composition, il introduit dans ses œuvres une tension dramatique. La forme y est très linéaire, pure, maîtrisée : ainsi, dans la "Descente de Croix" provenant de l'église Notre-Dame-hors-les-murs de Louvain (aujourd'hui, Madrid, Prado), chaque élément contribue de façon essentielle à une expression maîtrisée du thème de la Passion. Outre des tableaux sur le thème de la "Pietà" (Bruxelles, M.R.B.A.B. et Londres, Nat. Gall.), de la "Crucifixion" (Vienne, Kunsthist. Mus.) et de la "Vierge à l'Enfant" (Madrid, Prado), il a peint des tableaux de justice pour l'hôtel de ville de Bruxelles dont l'un était daté de 1439. Il ressort de nombreux témoignages, dont le plus ancien remonte à 1441, que ces représentations de scènes de justice étaient très prisées. Les tableaux de Rogier disparurent lors d'un bombardement de la ville en 1695. Le programme consistait en scènes empruntées à la légende de Trajan et à celle d'Herkenbald. Outre le polyptyque du "Jugement dernier" de Beaune, on situe aujourd'hui le" Retable Bladelin" (Berlin, Staatl. Mus.) et le "Retable Columba" (Munich, A. Pin.) au début de cette période de maturité en se fondant sur l'analyse dendrochronologique. Au cours de son voyage à Rome en 1450, Rogier entra en contact direct avec la peinture italienne, ce qui a laissé des traces évidentes dans son œuvre. La "Mise au tombeau" (Florence, Uffizi), peinte peut-être au cours même de son séjour en Italie, reprend un schéma de composition de Fra Angelico et l'illusionnisme de ce tableau dénote une forte tendance italianisante. Tout comme le thème de la "Sacra conversazione" (Marie et l'Enfant parmi des saints) telle que Rogier l'a représentée sur le panneau de Francfort (Städel) est tout à fait greffé sur la tradition italienne. C'est de 1453 environ que date le "Triptyque de saint Jean-Baptiste" (Berlin, Staatl. Mus.). On retrouve ici la même pondération, la même décantation que dans le "Triptyque Braque" de 1450-1452. Le format aussi bien que la composition sont apparentés au "Retable Miraflores" qui est antérieur. Toutefois, le "Triptyque de saint Jean-Baptiste" est, stylistiquement, plus développé. La perspective y est appliquée avec davantage de logique et un lien visuel est créé entre les trois panneaux par la représentation de portails ornés de sculptures, encadrant chacune des scènes. Les figures sont naturellement intégrées à l'espace et le style graphique, si caractéristique de Van der Weyden, est très élégamment ciselé. On peut dire la même chose du "Retable des sept Sacrements" (Anvers, K.M.S.K.) dans lequel la Crucifixion, le sacrifice sanglant du Christ, est représentée au milieu d'une église de style gothique tardif. Derrière, à l'autel, un prêtre consacre l'hostie. Sur les deux volets latéraux, les six autres sacrements entourent l'événement central. Par la limitation du nombre de personnages et une représentation stylisée du bâtiment et de son mobilier, le peintre atteint un certain degré d'abstraction. La contribution de l'atelier de Rogier semble ici avoir été assez importante. Dans le tableau daté des années 1462/1464, représentant "Marie et saint Jean au pied de la Croix" (Philadelphie, John G. Johnson Coll.), le peintre atteint un degré d'abstraction plus haut encore par l'utilisation surtout d'une palette très limitée. Les personnages y ont l'apparence de sculptures peintes et sont traités d'une manière très monumentale. Pendant cette période, Van der Weyden peignit également ses portraits les plus célèbres. Nombre des originaux sont perdus mais on les connaît par des copies. Ces portraits à l'interprétation sobre sont rendus avec une précision aiguë. Les figures se détachent sur un arrière-plan neutre. Les modèles aussi sont quelque peu idéalisés. Certains de ces portraits constituent un diptyque avec un tableau représentant "Marie et l'Enfant Jésus". Cette sorte d'"Andachtsbild", qui connaîtra un grand succès, semble être une création de Rogier. Pendant sa prière, le croyant contemplait le diptyque qui accompagnait son attention. On attribue à Van der Weyden les "Diptyques de Jean Gros" (Tournai, M.B.A. et Chicago, Art Inst.), de "Laurent Froimont" (Caen, M.B.A. et Bruxelles, M.R.B.A.B.), de "Philippe de Croy" (San Marino, The Henry E. Huntington Libr. and Gall. et Anvers, K.M.S.K.). Quelques portraits isolés importants datent de cette période tels le "Portrait d'homme" de la collection Thyssen-Bornemisza (Lugano), "L'homme à la flèche" qu'il y a peut-être lieu d'identifier à Antoine, Grand Bâtard de Bourgogne (Bruxelles, M.R.B.A.B.), le "Portrait de Francesco d'Este" (New York, Met.) et un "Portrait de femme" (Washington, Nat. Gall.). L'influence de Rogier van der Weyden a été particulièrement grande sur les peintres contemporains mais aussi sur les générations suivantes. Elle ne s'est pas limitée aux Pays-Bas mé

Rédacteur
Cardon, Bert
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