Balat inhoudstafel Dictionnaire des peintres belges

Biographie d'artiste


MORTIER, Antoine

Saint-Gilles (Bruxelles), 1908
Le peintre Antoine Mortier apparaît comme l'une des figures majeures de l'abstraction lyrique en Belgique, de cette génération d'artistes de l'après-guerre, longtemps occultée par l'absence d'un musée d'art moderne à Bruxelles. Fils d'un tailleur et d'une fleuriste de mode, c'est dans la maison familiale où séchaient au plafond les fleurs en tissu et où s'accumulaient chutes et pièces qu'il s'initie à la vie des formes et des couleurs. A l'âge de quinze ans, apprenti dans un atelier de sculpture ornementale, son employeur l'engage à s'inscrire à l'académie où il suit les cours de modelage, perspective et dessin d'après l'antique. La mort des petits métiers l'oblige à abandonner cette orientation pour exercer la profession de fourreur. Le soir, il fréquente les académies de Saint-Josse-ten-Noode, puis de Saint-Gilles. Le peintre H. Ottevaere l'encourage à la peinture, voie dans laquelle il s'engage définitivement après un passage à l'atelier libre de Tytgat. Mobilisé au début de la Seconde Guerre mondiale, il entre dès son retour comme choriste au Théâtre royal de la Monnaie. Marié et père de famille, il continue pendant sept années à exercer, le matin, le métier de fourreur tout en suivant les répétitions l'après-midi. De nombreux dessins parmi lesquels ceux de sa loge de choriste, des nus au fusain et des croquis sur le vif témoignent de cette période dont il garde la nostalgie malgré la misère de la guerre. "Le Pain noir" (1944), "Le Pain quotidien" (1972), "La Table vide" (coll. priv.), sa thématique s'engage alors vers le sentiment d'angoisse et de tragédie qui oriente tout l'œuvre. Ses compositions aux formes cernées d'un contour noir ne sont pas sans rapport avec l'expressionnisme de Laethem-Saint-Martin ou d'un Rouault. Mis en contact par le directeur de la Monnaie avec la galerie Apollo et le groupe de La Jeune Peinture belge, Mortier figure parmi ses membres, A. Bonnet, G. Bertrand, L. Van Lint, J. Cox, M. Mendelson avec lesquels il exposera collectivement à Paris et à Amsterdam. En 1946, année de sa première exposition personnelle à la galerie Apollo, il démissionne du groupe et s'engage dans un parcours sans faille avec la solitude. Son renvoi de la Monnaie l'accule à sa vocation de peintre. Brossés à grands traits, les lavis à l'encre de Chine de ces années, et particulièrement une série préparatoire comme "La fuite en Egypte" (1948, coll. priv.), expriment le passage progressif de la figuration à l'abstraction. Le tableau qui en résulte (1953) montre l'élaboration d'une calligraphie monumentale où la couleur a trouvé sa demeure, avant de devenir, à son tour, ordonnatrice du ballet. Dès 1949, "Figure couchée (bleue)" (coll. priv.), dans la gourmandise de sa pâte et l'étalement sensuel du geste, est le tableau clé à partir duquel on évoque pour l'artiste l'Action Painting.Comme les peintres ténébristes du XVIIe siècle qui font monter la nuit pour saisir un éclat de jour, Mortier ne craint pas de s'enfoncer dans "La nuit obscure" pour, à travers la lente émergence du "Rayon de ténèbre" parvenir à l'"Extase" (1963, coll. priv.) ou "La Résurrection" (1956, coll. priv.). Officiant des ténèbres, l'artiste est le chantre de la lumière dans l'infini de ses variations. Des couleurs froides aux rouges incandescents, il en expérimente toute la gamme. Le pinceau déploie ses voiles ("Pietà", coll. priv.), l'assigne derrière un rideau de bleu ("Variation, torse bleu", 1948, New York, Salomon Guggenheim Mus.), la retient dans la coulée des drippings ("Eclatement", 1935, La Haye, Gemeentemus.), l'égoutte, l'ébouriffe dans ses apparitions fulgurantes "(Fantasme)" ou des visions embrasées ("Le dernier jour", 1983, coll. priv.; "Le feu qui rouille", 1961, coll. priv.). Dans une constante fidélité à soi, sa peinture, toute empreinte de la monumentalité de la sculpture, soutient d'un bout à l'autre le dialogue avec le jeu des encres et des esquisses. Tour à tour à la recherche d'un matiérisme lyrique ou l'affirmation d'une thématique plus construite et devenue plus économe de ses moyens, il débouche dans les années quatre-vingt sur d'étonnants portraits psychologiques. Dans les années soixante sa participation aux biennales de Venise, São Paulo, Tokyo et, en 1986, les grandes rétrospectives de sa peinture au musée d'art moderne de Bruxelles et de ses encres au palais des beaux-arts rendent justice à l'infatigable artiste. Le jour de ses quatre-vingts ans, dans un langage minimaliste, celui-ci inaugurait par un haut relief en acier la station de métro Yser à Bruxelles, en hommage à la résistance.

Rédacteur
Willaumez, Marie-France
Informations complémentaires
Collections, bibliographie,...

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