Balat inhoudstafel Dictionnaire des peintres belges

Biographie d'artiste


JORDAENS, Jacob

Anvers, 1593 - 1678
Peintre d'histoire, de compositions religieuses, mythologiques et allégoriques, de scènes de genre et de portraits. Fils aîné d'un marchand de draps, il fut baptisé dans l'église Notre-Dame d'Anvers le 20 mai 1593. On sait peu de choses de sa jeunesse et de sa formation. En 1607, à l'âge de quatorze ans, il entra comme apprenti dans l'atelier d'A. van Noort. C'est là qu'il resta jusqu'en 1615, année où il accéda à la maîtrise dans la gilde de Saint-Luc, avec la qualification de "waterschilder". On a déduit de cette dénomination, de façon quelque peu hypothétique, que Jordaens peignit à ses débuts des toiles à la détrempe, comme celles qui étaient exécutées à l'époque, principalement à Malines, mais aussi à Anvers, et qui constituaient une sorte d'équivalent bon marché aux tapisseries murales. Il semble qu'en réalité, sa première production ait plutôt consisté en peintures à l'huile, dont certaines ont même pu être datées d'avant le moment où Jordaens accéda à la maîtrise. De plus, le maître de Jordaens n'est pas connu non plus comme peintre de toiles à la détrempe. Le 15 mai 1616, dans l'église Notre-Dame d'Anvers, Jordaens épousa Catharina van Noort, la fille de son maître. Il continua d'habiter chez Van Noort au moins jusqu'en 1618 et, durant cette période, les deux peintres travaillèrent sans doute ensemble dans le même atelier. On connaît un nombre relativement important de peintures de Jordaens datant de cette première période, qui, selon les critères stylistiques, se poursuit vraisemblablement jusqu'en 1618 environ. A ce moment, le style de Jordaens est encore très proche de celui de Van Noort, à tel point que ses œuvres de jeunesse ont souvent été confondues avec celles de son maître. Jordaens se distingue néanmoins de lui par le modelé plus ferme de ses figures, qu'il a sans aucun doute repris à P.P. Rubens. Au contraire de Rubens, de A. van Dyck et de nombreux autres peintres d'histoire anversois du début du XVIIe siècle, Jordaens ne semble pas avoir éprouvé le besoin d'aller étudier en Italie les vestiges de l'Antiquité et les œuvres de ses contemporains. Certes, il n'avait pas reçu l'éducation soignée de Rubens, qui appartenait à l'élite intellectuelle de la bourgeoisie anversoise, alors que lui-même était plutôt issu de la classe moyenne des commerçants. Sa connaissance de la culture antique ne provenait pas d'un contact immédiat avec les textes latins, mais lui venait de traductions et d'œuvres de Rubens qu'il pouvait prendre comme exemples pour ses scènes profanes. Peut-être Jordaens fut-il aussi trop tôt associé aux activités de l'atelier de Van Noort pour pouvoir s'en libérer et se consacrer à un voyage de longue durée en Italie.A partir de 1618 environ, Jordaens prend la direction d'un atelier indépendant. Cette année-là, il achète une maison dans la Hoogstraat et, à partir de 1620/1621, il fait lui-même inscrire des apprentis dans la gilde de Saint-Luc. En 1621, pour des raisons financières, il entre néanmoins en conflit avec la gilde, hésitant à accepter la charge de doyen. Il est possible qu'il ait exercé ces fonctions durant une année seulement, au lieu des deux années habituelles. La période qui va de 1618 à 1628 est caractérisée par une production importante et de haut niveau, dans laquelle l'artiste couvre un large éventail de sujets religieux et profanes et montre qu'il s'est construit un répertoire personnel de formes et de types, en s'inspirant du style dynamique qui caractérise les œuvres de Rubens d'avant 1620, ce que l'on appelle la période "Sturm und Drang" de Rubens. Parmi les œuvres les plus représentatives de la période, on peut citer, outre ses grands tableaux d'autel, ses scènes allégoriques et mythologiques, par exemple "L'hommage à Pomone" ou "Allégorie de la fécondité", conservé au musée de Bruxelles, ou les différentes versions de la fable d'Esope "Le satyre et le paysan" (musées de Bruxelles, Göteborg, Kassel, Munich). Jordaens trouvait son public auprès des bourgeois aisés d'Anvers, qui lui commandaient aussi bien les œuvres à offrir en donation aux églises et couvents que les tableaux d'histoire destinés à décorer leurs maisons. De cette époque datent aussi quelques portraits, un genre que Jordaens n'a pas souvent pratiqué et qu'il réserva la plupart du temps à sa propre famille ou à son cercle d'amis. Un "Portrait de groupe", conservé au Prado à Madrid et daté de 1620/1621 environ, montre le peintre, sa femme et leur première fille, Elizabeth, baptisée en 1617, ainsi qu'une jeune femme qui est peut-être, plutôt qu'une domestique, une parente qui habitait chez eux, une sœur de Jordaens lui-même ou de sa femme, par exemple. Cette période est en quelque sorte clôturée par "Le martyre de sainte Apollonie", le retable que Jordaens peignit en 1628 pour l'église des Augustins et qui servit de pendant à la "Vision de saint Augustin" de Van Dyck pour encadrer l'œuvre de Rubens, "La Vierge adorée par les saints". Ces trois toiles sont conservées au musée d'Anvers.Durant toute sa carrière, Jordaens peignit des scènes profanes et religieuses : il convient donc de le considérer, au premier chef, comme un peintre d'histoire. Au début, ses cartons pour des séries de tapisseries exploitent aussi les mêmes sujets : "L'Odyssée, L'histoire d'Alexandre le Grand". A partir de 1635, Jordaens se consacre de plus en plus à ce moyen d'expression. Durant cette période, pour les tapisseries comme pour ses peintures, il élargit ses sujets à ce que l'on appelle les scènes de genre et réalise des cartons comme "Les scènes de la vie paysanne, Les grands chevaux, Les proverbes", ou des tableaux comme "Le roi boit, Soo d'Ouden zongen, soo pepen de Jongen". Le public d'aujourd'hui tient souvent cette catégorie d'œuvres pour les plus typiques de l'art de Jordaens. On y voit une représentation de la vie populaire bouillonnante du XVIIe siècle, une illustration d'un caractère national bourguignon. Cette interprétation prend insuffisamment en compte que ces thèmes ne constituent qu'une partie plutôt limitée de l'œuvre de Jordaens et qu'ils sont absents de son œuvre avant la période de maturité. En même temps, il faut se souvenir de la signification édifiante que ces œuvres recèlent. Plutôt qu'une glorification des plaisirs terrestres, il faut y voir une forme d'avertissement contre la tentation de s'y adonner sans retenue. Cette signification se dégage notamment des légendes qui accompagnent les gravures de l'époque exécutées d'après les mêmes compositions. Ce n'est sans doute pas inattendu de la part d'un calviniste aussi convaincu que l'était Jordaens. Le jeu des sympathies et des antipathies, plutôt que le témoignage de données fiables, a conduit certains auteurs à mettre en rapport les convictions religieuses de Jordaens avec quelques facteurs externes de son œuvre, prélevés dans la chronologie de sa carrière. Le fait que son beau-père, A. van Noort, ainsi que certains de ses parents, plus âgés que lui, étaient déjà enregistrés en 1586 comme luthériens dans les listes d'épuration de la bourgeoisie anversoise, pourrait laisser entendre que Jordaens lui-même appartenait aussi à cette confession dès sa jeunesse. Pour d'autres, ce sont les contacts intensifs que Jordaens entretint avec les provinces septentrionales à partir des années 1640-1650 qui l'amenèrent à épouser la foi calviniste. A partir de 1650, on ne peut plus douter, en tout cas, de ses convictions religieuses : entre 1651 et 1658, Jordaens fut condamné à une amende pour avoir diffusé des écrits dissidents; en 1659, sa femme fut enterrée dans le cimetière protestant de Putte et en 1660, devant un tribunal, il refusa de prêter serment devant les saints. A la fin de sa vie, entre 1674 et 1678, Jordaens accueillit chez lui, pour la célébration du culte, des membres de la communauté calviniste d'Anvers connue sous le nom De Brabantse Olijftak. Quoi qu'il en soit, ces convictions ne semblent pas avoir exercé une grande influence sur le déroulement de sa carrière artistique. A l'exception de quelques allégories religieuses d'inspiration calviniste, dont Jordaens dessina les projets à la fin de sa vie, mais qui ne correspondent à aucune peinture conservée, l'éventail de ses clients et de ses thèmes est resté inchangé. Tard dans sa carrière, Jordaens continua à recevoir des commandes pour des églises et des couvents catholiques. Il faut cependant remarquer que Jordaens ne fut jamais associé à la décoration des églises les plus prestigieuses d'Anvers, comme l'église Notre-Dame et l'église des Jésuites. Grâce à l'intervention de Rubens, qui en avait conçu toute la décoration, l'artiste participa néanmoins en 1635 à la réalisation d'un certain nombre de peintures destinées à célébrer la Joyeuse Entrée à Anvers du cardinal-infant Ferdinand. Ceci prouve que Rubens appréciait à leur juste valeur les compétences de Jordaens. En 1637, Jordaens fut appelé à collaborer à l'exécution de peintures sur toile pour le pavillon de chasse de Philippe IV d'Espagne, la Torre de la Parada, dont les esquisses avaient, elles aussi, été réalisées par Rubens. C'était la première fois que Jordaens recevait, certes de façon indirecte, une commande pour une maison princière. Peu après, vingt-deux peintures représentant "L'histoire de Psyché" et destinées à la Queen's House de Greenwich, la nouvelle résidence construite par Inigo Jones pour la reine Marie-Henriette, lui furent commandées par un intermédiaire, qui dut maintenir secrète leur véritable destination. Le 17 octobre 1639, le chargé d'affaires de la cour d'Angleterre à Bruxelles, Balthasar Gerbier, reçut la mission d'approcher Jordaens à ce sujet. Gerbier avait suggéré de confier plutôt le travail à Rubens, mais l'idée ne fut pas acceptée. La première toile de Jordaens fut envoyée en Angleterre en mai 1640, sept autres furent achevées durant le printemps 1641. A la mort de celui qui avait servi de médiateur, l'abbé Cesare Scaglia, Jordaens découvrit le véritable commanditaire de la série, qui ne fut pas poursuivie. Aucune des toiles exécutées n'a été conservée. La mort de Rubens, en mai 1640, suivie peu après par celle de Van Dyck, porta Jordaens au premier rang des peintres anversois. Pour Philippe IV, Jordaens termina quelques tableaux qui étaient restés inachevés dans l'atelier de Rubens et, dès ce moment, les commandes importantes se succédèrent. Auparavant, Jordaens avait cependant déjà rassemblé une fortune suffisante pour se faire construire une grande maison avec un atelier dans la Hoogstraat à Anvers. Une inscription date l'achèvement de la maison de 1641. Après les cours d'Espagne et d'Angleterre, ce fut au tour de Christine de Suède de faire appel à Jordaens. En 1648, la reine lui commanda une série de trente-cinq tableaux. Toutes les toiles mesuraient environ 260 sur 320 cm et devaient être vues, en perspective, de bas en haut; elles devaient donc être placées en haut des murs d'une grande salle. Peut-être s'agissait-il aussi d'épisodes de "L'histoire de Psyché". A deux reprises, en octobre 1648 et en mai 1649, dix toiles furent envoyées en Suède via La Haye. Peut-être le reste suivit-il ensuite, mais on ignore ce qu'il en advint. Aucune de ces œuvres n'a été conservée. Durant l'été 1649, Jordaens reçut la commande d'un "Triomphe du temps", pour Amélie de Solms, la veuve du prince Frédéric-Henri d'Orange. Ce tableau était destiné à décorer la grande salle d'Orange dans la Huis ten Bosch à La Haye. Deux ans plus tard, Jordaens put également exécuter, pour la même salle, la dernière œuvre du cycle, "Le triomphe de Frédéric-Henri". Cette toile, immense, se trouve toujours en place. Il est probable que cette dernière œuvre ait permis à Jordaens de jouir d'une grande estime dans les provinces septentrionales. En 1661, on lui demanda de collaborer à la décoration du nouvel hôtel de ville d'Amsterdam, construit d'après les plans de J. van Campen, lequel avait aussi joué un rôle de premier ordre dans la décoration de la salle d'Orange. Il semble néanmoins que l'exécution de ces œuvres doive être attribuée, pour une large mesure, à l'atelier de Jordaens, ce qui n'est guère surprenant compte tenu de l'âge grandissant de l'artiste et du nombre considérable de commandes qu'il continuait à recevoir. Les dernières œuvres de Jordaens, qui resta actif jusqu'à un âge avancé, sont caractérisées par une participation de plus en plus grande de l'atelier. Les personnages deviennent stéréotypés, alors que la palette s'assombrit. Pourtant, cette production rassemble encore quelques ensembles d'œuvres assez importants, comme les "Scènes de justice" (1663), destinées à l'hôtel de ville de Hulst, où elles se trouvent encore, actuellement, et les scènes allégoriques exécutées pour la Chambre des peintres, de la gilde de Saint-Luc à Anvers (1665). En 1669, des visiteurs trouvèrent encore le peintre au travail dans son atelier, alors que le dernier dessin daté porte le millésime "1670". Mais en 1677, Constantin Huygens le Jeune décrivit un Jordaens sénile, incapable de tenir sur ses jambes. Jordaens mourut dans sa maison d'Anvers le 18 octobre 1678 laissant une œuvre étendue, consistant en peintures, dessins, cartons de tapisseries, et peut-être aussi quelques gravures. Ce sont surtout les œuvres de la seconde moitié du siècle qui montrent une qualité parfois inégale. Dans ses meilleures œuvres, dont la plupart appartiennent à la période précédente, Jordaens développe une interprétation personnelle, naturaliste, exaltant les forces de la vie, du style de Rubens, l'éclatant exemple qui l'inspira d'un bout à l'autre de sa carrière. Son neveu Arnold Jordaens fut son élève en 1652 et devint maître à la gilde de Saint-Luc en 1664.

Rédacteur
Van de Velde, Carl
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